En direct de l’hôpital Shifa à Gaza, le chirurgien obstétricien marocain Zouhair Lahna continue de livrer au jour le jour son témoignage émouvant sur le quotidien de la population Palestinienne de Gaza par l’armée israélienne. C’est le 15ème témoignage reçu le 26 août.
Le héros est en principe un être humain ordinaire qui face à une situation extra ordinaire, développe des facultés nouvelles et devient extraordinaire. Et cette guerre asymétrique a stimulé en permanence les instincts de survie et les réflexes des Palestiniens et les invite à chercher en eux même les moyens de subsister.
Depuis que le ciel de gaza est devenu moins “safe” que par le passé, les Palestiniens savent que chaque instant que Dieu fait est un instant de plus. La machine de mort multiforme et complexe déployée est omniprésente. Le bruit désagréable quasi-permanent des drones rappelle ce fait pour celui ou celle qui souhaite se soustraire à ce climat. Ces machines surveillent, espionnent et bien évidement tuent, quand une cible est déterminée, avec souvent ce qu’on appelle dans le jargon guerrier des dégâts collatéraux.
Lors des attaques surprises et bien nourries des quartiers comme chajia , khouzaa, jabalia ou beit hanoun et encore l’est de la ville de Rafah, les habitants de Gaza se sont trouvés entourés de projectiles de toutes parts, hésitant entre rester chez eux et recevoir les murs de leur maison sur leur corps ou quitter leurs murs et se retrouver à nu face à des projectiles aveugles, puisque les pilotes de tanks ont déclaré secondairement qu’ils avaient reçu l’ordre d’effectuer un tir toutes les deux minutes pendant toute la durée de l’offensive.
Quand je suis retourné au quartier de chajia pour revoir le théâtre de ces horreurs, l’un des habitants qui a vécu l’attaque me montre les endroits où gisaient plusieurs membres d’une même famille surprise par les tirs à la sortie de leur demeure, ou encore l’endroit où un jeune a dû laisser par terre son frère touché à sa jambe parce qu’il secourait sa propre mère. Quel choix douloureux. Ou encore l’histoire de ce travailleur de l’ONU qui se parlemente avec son épouse et ses filles pour quitter leur domicile exposé au centre de Gaza. Se sentant obligé de prendre des risques, il a réussi à embarquer toute la famille dans la petite voiture de service et accélérer sans regarder en arrière, il s’est dit que la décision de tirer sur une voiture de l’UNRWA n’étant pas facile, les soldats doivent poursuivre une chaîne de commandement et le temps que cela se face, il serait loin… Une prise de risque nécessaire et urgente. Voila comment une situation d’agression directe met des gens ordinaires dans une situation complexe les obligeant à prendre des choix vitaux pour eux et pour leur famille.
Sur un autre registre, des héros ont eu moins de chance. Lors d’une accalmie, un père demande à ses enfants de revenir au domicile familial dans le quartier de khouzaa afin de prendre des matelas et quelques ustensiles. Après que les deux jeunes aient chargé leur carrosse tiré par un âne, un homme âgé et mal en point leur demande de monter un peu plus loin, 300 mètres environ pour secourir deux femmes blessées. Ces jeunes pouvaient ne pas y aller et s’approcher de zones dangereuses, mais ils ne pouvaient pas ne pas aller récupérer des femmes en détresse. Or, une fois sur place un projectile les accueille et les jeunes héros perdent la vie.
Telles sont quelques histoires de héros ordinaires que j’ai entendues lors de ce séjour unique parmi les Palestiniens de Gaza. Certes, la relation entre la vie et la mort est fine, et cette fragilité trouve toute sa signification et sa force à Gaza.
A propos de Zouhair Lahna :
Zouhair Lahna, est chirurgien obstétricien marocain et acteur associatif. Ancien Chef de clinique des Universités de Paris VII et membre de Médecins Sans Frontières. Il a participé à plusieurs opérations humanitaires à travers le monde : Afghanistan en 2001, Congo 2004, Jenine en 2006 et les guerres de gaza de 2009 et de 2014