Cette semaine, la chronique juridique I&I se penche sur l’avis du Conseil d’Etat au sujet des mères voilées souhaitant participer aux évènements scolaires.
Pas un jour ne se passe sans que la laïcité fasse les choux gras des JT de BFM et consorts. A croire que le chômage, la crise, l’inégalité fiscale, la montée du racisme et de l’insécurité… ne sont que des sujets secondaires, face au fantasme d’une islamisation galopante dans nos sociétés occidentales.
Cette semaine, c’est l’avis du Conseil d’Etat en date du 23 décembre 2013 qui est au cœur des discussions. Suite à la demande du défenseur des droits, cette institution s’est penchée sur le cas des mères voilées souhaitant encadrer les activités de sorties, et qui se trouvaient parfois exclues en raison de leur voile. Dans cet avis, la plus haute juridiction administrative a rappelé un principe déjà bien connu : les parents accompagnant les enfants lors de sorties ne sont pas soumis, par principe, au devoir de neutralité religieuse. En d’autres termes, empêcher une mère voilée de participer à la vie de l’école constitue une discrimination eu égard au principe de laïcité. Il s’agit là d’une victoire dans la lutte contre l’islamophobie, tout du moins en apparence.
Une victoire à relativiser
Les sages ont probablement voulu être prudents, et ne se sont pas prononcés sur le fond du sujet. Deux limites subsistent toujours. Tout d’abord, les juges ne se sont pas prononcés sur la licéité de la Circulaire en question. Nous imaginons déjà bon nombre d’établissements brandir cette circulaire pour discriminer, au même titre qu’en Afrique du Sud l’on brandissait la constitution pour légitimer l’Apartheid. De plus, si cela ne suffisait pas, ces mêmes directeurs d’établissement peuvent évoquer une des considérations de la décision :
« Les exigences liées au bon fonctionnement du service public de l’éducation peuvent conduire l’autorité compétente, s’agissant des parents qui participent à des déplacements ou des activités scolaires, à recommander de s’abstenir de manifester leur appartenance ou leurs croyances religieuses ».
Ce rappel juridique est à lire avec précaution. Cette possibilité pour le corps enseignant d’écarter des parents trop zélés existe depuis toujours. Elle concerne la sphère religieuse, mais aussi politique, philosophique… Un parent ne doit pas faire l’apologie d’une religion/opinion politique/philosophique quelle qu’elle soit, auprès d’enfant. Et là résideront probablement les futurs problèmes. En refusant de statuer clairement et de prendre une position ferme, le Conseil d’Etat a buté en touche. Le flou juridique persiste, et il faudra donc être très prudent quant à l’issu de cet avis sur le terrain.
Evidemment, cette décision n’arrangeant pas les politicards, comptez sur eux (en pleine période électorale) pour monter cette histoire de voile en épingle. Et pour le chômage, on attendra la reprise de la croissance…
Lamir Hassouni
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