Interdiction du hijab à l’école et du niqab dans l’espace public ; prohibition des « prières de rue » ; interdiction faite aux mères portant le hijab d’accompagner leurs enfants lors des sorties scolaires ; obligation faite aux enfants musulmans de consommer dans les cantines de la viande nonhalal, notamment de la viande de porc ; volonté de prohiber le hijab à l’université et d’autoriser les entreprises à l’interdire sur le lieu de travail…
Nous assistons à une recrudescence des mesures et législations islamophobes, qui ont pour objectif d’accroître le champ d’application de la loi du 15 mars 2004 interdisant le port du hijab à l’école, et de renforcer le dispositif législatif d’exception contre les musulman•e•s.
Pour endiguer ce processus continu d’exclusion et d’interdiction, il apparait nécessaire à de plus en plus de musulman•e•s d’attaquer le mal à l’une de ses principales racines, en exigeant l’abrogation des lois et mesures islamophobes.
L’islamophobie étatique
L’islamophobie se déploie avant tout à travers des mesures d’exception édictées par les élites, qui portent en conséquence une responsabilité dans les agressions physiques – parfois meurtrières – qui se multiplient contre des musulmanes.
Les forces de police prennent par exemple prétexte de la loi du 10 octobre 2010 sur le niqab, pour verbaliser des musulmanes voilées intégralement, arracher leur niqab, et faire monter par là même la tension dans les banlieues.
Les mesures d’État islamophobes, promues par la gauche aussi bien que par la droite (avec le concours des médias dominants), encouragent les pratiques racistes à l’encontre des musulman•e•s.
Pour autant, ces élites n’ont pas créé l’islamophobie, qui existait bien avant la « Commission Stasi », la loi de 2004 ou les premières « affaires » dites du foulard à Creil, en 1989. Si le personnel politique peut dire ce qu’il dit des musulman•e•s, c’est bien qu’une longue tradition islamophobe lui a fourni des mots, des images, une rhétorique et des figures pour le faire.
Parce que cette islamophobie est promue par les représentants les plus qualifiés de ce pays, en appeler à la morale ou aux « valeurs républicaines » pour tenter de l’endiguer apparaît dès lors comme une impasse. Si c’est au nom de ces « valeurs républicaines » que certain•e•s combattent l’islamophobie, c’est aussi en leur nom qu’elle est soutenue et diffusée.
De l’interdiction du foulard à celle de tout signe musulman à l’école
La loi du 15 mars 2004, qui prohibe le port du hijab dans les collèges et les lycées publics, les IUT et les écoles de commerce, occupe une place centrale dans le dispositif législatif qui vise les musulman•e•s.
Son entrée en vigueur a permis d’introduire le principe de l’interdiction du hijab, et par extension, celui de tout signe qui se rattache ou semble se rattacher à l’islam. C’est ainsi que certains personnels de l’Éducation nationale interprètent cette loi.
Dès lors, des interdictions sont faites à des mères portant un hijab d’accompagner leurs enfants lors des sorties scolaires ; des directeurs d’école et professeurs interdisent l’accès à l’établissement aux parents jugés trop ostensiblement musulmans ; des directeurs prohibent les jupes longues pour les jeunes filles musulmanes ; dans les cantines, des enfants musulmans se voient dans l’obligation de consommer de la viande non halal, notamment de la viande de porc.
Dernièrement, le Haut Conseil à l’Intégration a préconisé l’adoption d’une loi interdisant le port du hijab à l’université. Le hijab, ainsi que tout signe jugé islamique, sont considérés comme entrant en conflit avec le caractère séculariste de la république française, dont l’un des symboles est l’école laïque.
Ecoles, services publics, espaces publics, entreprises : l’extension permanente de l’interdiction du foulard
Certains ont décidé d’étendre l’interdiction du hijab à d’autres services publics que l’école, quitte à avoir une appréciation très incertaine de la définition d’un service public. En 2012, des élus socialistes ont proposé que l’interdiction du port du hijab s’étende aux femmes gardant des enfants à domicile.
Avec l’adoption de la loi du 10 octobre 2010 sur le niqab, nous sommes passés des services publics, à l’espace public. C’est d’ailleurs ce même souci de « neutralité dans l’espace public », qui a servi de prétexte à la prohibition des « prières de rue », alors que ces prières sont la conséquence du manque criant de lieux de cultes pour les musulman•e•s en France.
L’une des prochaines étapes de cette campagne islamophobe, semble devoir être l’adoption d’une loi qui permettrait aux entreprises de prévoir dans leur règlement intérieur une interdiction des signes religieux, au premier rang desquels les signes musulmans.
La nécessaire auto-organisation des musulman•e•s pour combattre l’islamophobie
Parce que les musulman•e•s qui vivent en France sont touché•e•s de plein fouet par les mesures islamophobes, dont elles et ils subissent les conséquences au quotidien, leur auto-organisation est nécessaire.
C’est la condition première pour mener une lutte efficace contre l’islamophobie étatique, aussi bien que contre celle qui sévit dans la société, les associations, et les organisations politiques de droite comme de gauche.
Lorsqu’elles prennent en considération le racisme antimusulman, ces associations et ces organisations politiques souhaitent, volontairement ou non, imposer aux musulman•e•s leurs mots d’ordre, leur agenda politique, ainsi que la définition de l’islamophobie qui est la leur.
L’autonomie nécessaire des musulman•e•s doit permettre de se prémunir contre les risques de récupération politique, et de mettre à distance le paternalisme militant et les perspectives assimilationnistes.
Objectifs de la campagne pour l’abrogation des lois islamophobes
Le Code Noir et le Code de l’Indigénat dans les colonies, les lois de Nuremberg en Allemagne ou celles de Vichy en France, jusqu’à la loi sur la double peine contre laquelle une campagne exemplaire a été menée, sont aujourd’hui perçus comme discriminatoires et racistes.
De plus en plus de musulman•e•s trouvent tout aussi raciste l’islamophobie inscrite dans la loi. En menant une action spécifique sur la question de l’abrogation, cette campagne se veut complémentaire du travail de défense juridique et politique, qu’effectuent un peu partout en France des collectifs de lutte contre l’islamophobie.
Nous invitons tous ces acteurs de terrain, tou•te•s les musulman•e•s, investi•e•s ou non dans le combat associatif et politique, ainsi que leurs soutiens (débarrassés de toute forme de paternalisme), à relayer cet appel pour faire vivre cette campagne, à travers les initiatives locales de leur choix (comités de quartiers, rassemblements, débats, marches, productions d’écrits, vidéos, sons, photos…).
Avec en ligne de mire, la date du 15 mars 2014, qui marquera le dixième anniversaire de la loi de 2004.
C’est collectivement que nous sommes discriminé•e•s, et c’est tout aussi collectivement que nous montrerons notre détermination à lutter contre l’oppression islamophobe.
Abrogation des Lois Islamophobes – A.L.I.
Mail : [email protected]