Menacés de ratonnade ils sont tous incarcérés : L’AFFAIRE DES BERGERS DE CORNEILLA (Pyrénées-Orientales)
Tout a commencé le 20 mai 2016.
Cela n’aurait dû être qu’une simple bagarre entre voisins, dans un cadre rural, à propos de l’utilisation de l’eau d’un canal d’irrigation. Mais alors que de part et d’autre on mobilise certificats médicaux et ITT de moins de 8 jours après avoir porté plainte, voilà qu’un événement survient et que tout s’emballe.
Le 21 mai, 350 villageois se rassemblent sur la grande place de Corneilla de la Rivière (66), des élus locaux se mêlent à eux et donnent naissance à ce qui devient l’affaire des bergers de Corneilla. Un député fait même le déplacement.
Des insultes à caractère raciste et des menaces de mort y sont exprimées.
Et le journal local, l’Indépendant parle de « marche blanche contre la violence »… Rien de ce qui a été entendu par des témoins anti racistes et par les gendarmes n’est évoqué. Le maire de Port-Vendres publie d’ailleurs sur sa page Facebook une charge anti musulmans.
Aussitôt cet événement annoncé, il est procédé à l’interpellation de la bergère et par la suite du berger et de leurs 2 jeunes fils !
Les bergers de Corneilla de la Rivière sont musulmans, pratiquants et la bergère porte un foulard. Ils font état dans leur déclaration d’un climat islamophobe et raciste, alimenté par des agressions répétées d’une partie des villageois (incendie criminel sur l’exploitation, attaques répétées du troupeau par des chiens, destruction des biens, etc. ) et par des entraves administratives de la Mairie, légitimement vécues comme des persécutions. Éleveurs depuis plus de 10 ans sur la commune, ils ont ainsi dû saisir le Tribunal Administratif pour obtenir les autorisations de construction de la bergerie.
Il règne dans ce village un climat délétère depuis des années.
La bagarre entre les bergers et leurs voisins n’aurait dû susciter qu’une réaction pénale modérée, mais elle a pris une ampleur disproportionnée.
Le berger a eu l’intelligence de délocaliser pour partie son affaire en s’entourant de grands pénalistes montpelliérains d’abord puis toulousains.
Le berger, la bergère et deux de leurs enfants ont été placés en détention provisoire des mois durant.
Les avocats avaient pourtant mis l’accent sur le caractère disproportionné de la réaction pénale, l’existence d’une enfant mineure de 13 ans, un troupeau de 300 brebis qui est en péril, des vergers dont les fruits pourrissent sur les arbres, des agressions racistes depuis plus de 10 ans.
Mais surtout, les avocats dénonçaient l’instrumentalisation de l’institution judiciaire par des élus populistes dont la Maire du Village de Corneilla de la Rivière (le score électoral du FN, aux dernières élections de décembre 2015, y a approché les 49 %) qui a adressé un courrier au procureur et au préfet des Pyrénées-Orientales dans lequel elle assimile la famille des bergers à des terroristes. L’avocat de la partie adverse n’est autre l’avocat habituel de la Mairie de Corneilla.
Les mobilisations se sont déroulées à Perpignan. Des rassemblements répétés ont eu lieu devant le palais de justice. Des élus de Perpignan sont quant à eux intervenus auprès de commerçants musulmans connus sur la ville pour les dissuader d’apporter leur soutien aux bergers.
En fait, ce qui a pris le dessus, au-delà de toute autre considération, c’est la volonté de préserver l’ordre public, de gérer les désordres en éloignant les bergers du village.
Tous libérés, ils font alors l’objet d’un contrôle judiciaire qui leur interdit l’accès à leur exploitation ainsi qu’au domicile familial.
Toutes leurs demandes de levée des interdictions sont rejetées. Le troupeau est en péril et subit de lourdes pertes et leur verger se meurt. Le 9 mars 2017, la famille ayant épuisé ses économies dans le fourrage, afin de nourrir le troupeau, est assignée à résidence suite à l’interdiction qui lui a été faite de se rendre sur ses propriétés (Maison et Bergerie).
La bergère n’ayant pu se résigner à rester à Perpignan alors que son troupeau allait mourir de faim, commet en son âme et conscience une désobéissance civile en bravant l’interdiction et en allant faire paître son troupeau avec le comité de soutien. Les deux premiers jours, tout se passait bien, le troupeau a retrouvé une santé en allant paître de l’herbe fraîche.
Le 3ème jour, la bergère fut arrêtée comme une criminelle.
Sa fille à ses côtés a pu raconter l’interpellation violente qu’elles ont subie. La mineure de 13 ans a pris des photos sur son portable qui par la suite ont été supprimées par l’un des motards. Elle a été braquée d’une arme, menottée et traînée par terre. Sa maman, la bergère, a finalement été mise en prison pour avoir voulu sauver son troupeau.
30 mars 2017 : saisi du troupeau …
Et le calvaire continue puisque la préfecture a saisi les bêtes aujourd’hui pour porter un coup fatal à ces pauvres bergers et par là même à l’élan de solidarité du comité de soutien. La bergère en prison et sans contact avec l’extérieur n’avait en effet aucun moyen de s’opposer à cette décision.
C’est un réel acharnement !
Le comité de soutien reste toutefois mobilisé pour que cette famille bénéficie d’un traitement équitable, inquiet de la possible répétition judiciaire de l’inique procès de l’affaire de Cisco en Corse.