J’ai fait l’imam devant une femme … et alors Omero ?
***[ Ce texte fait suite à une publication du sociologue et réformiste Omero Marongiu-Perria ]
C’était il y a plus de 10 ans, au cours de notre séjour dans les montagnes en Algérie, au sein de la confédération des Iflissens, entrée majestueuse de la haute Kabylie.
Assis dans un jardin entre montagnes et mer, et ce maquis qui montait derrière nous sans bruit, je me délectais à sentir le doux baiser du vent de la mer et la respiration d’un grand figuier à travers duquel perçaient les derniers rayons d’un soleil redoutable. L’été perdurait malgré septembre et le maghreb tombait comme un doux voile sur nous ; je profitais des dernières lumières comme pour rattraper un manque devenu trop lourd.
C’était maintenant l’heure de la salat Al Maghreb – vous chercherez chez mon ami pour la signification – la salat … seule véritable horloge de tout l’univers musulman. C’était un rituel millénaire; la mosquée trop lointaine, et ce claquement de rafales au loin ou plutôt proche, qui sait, nous avions pris l’habitude de prier en fratrie avec le père et grand-père en attendant le plat préparé depuis de longues heures chez les femmes. Depuis bien longtemps, nous avions abandonné dans la famille certaines habitudes qui relevaient du mode de vie occidental, celle du colon, comme par exemple de vivre en obligé d’une femme devenue homme …
J’avoue qu’encore enfant je n’avais jamais saisi en quoi une femme dévouée à sa famille pouvait constituer un crime. Aux dires de certains de mes frères « modernes », cela constituait une arriération, un vestige du passé qu’il fallait oublier et même cacher aux yeux de ceux qui, vraisemblablement, constituaient désormais la balance entre le bien et du mal.
Par raison, peut être aussi par pratique parce que que nos parents avaient vécu un temps à l’occidental, nous avions pris acte de cet univers moderne que nous connaissions mieux que quiconque qui faisait de la femme un objet dans la société mais un véritable tyran dans son F3.
Dans ces moments calmes de fraîcheur de Kabylie, entre rires d’enfants et éclats de conversations de femmes, se dressait devant moi un patrimoine millénaire qui, entre traditions prophétiques et tradition musulmane, s’était forgé à travers le temps comme une symbiose du meilleur vital. J’avais à l’esprit les grandiloquents appels à la liberté, à l’égalité de la femme mille fois répétés à l’école et à la télévision française. Mais la misère de vie, amoureuse, affective et sociale vécue par mes proches, mes voisines et mes connaissances sonnaient comme un démenti vivant permanent d’autant de mensonges et de fictions.
Et ils persistaient : « En Occident, la femme est libre et l’égale de l’homme. »
J’avais bondi un jour en découvrant les chiffres relatifs à la vie de la femme en Occident. Harcèlements, agressions, inégalités sociales, viols, n’étaient plus déviance mais devenus la norme comme un corollaire indispensable à cette … émancipation. Femme libérée, oui, mais de qui ? De quoi ? Et surtout pour quoi ? Dans ma famille, dans ma rue parisienne, aux caisses de supermarché, sur les affiches, à la télé, criait sa douleur en souriant cette femme hystérique « libérée », en son et en larmes, dénuée de toute protection pour mieux la consommer au milieu des génériques synthétiques de Loft Story et autres télé-réalités. Je me demandais alors si tout ça n’était pas un raté, une erreur… J’ouvrais les livres, les Bibles du monde moderne. Je me plongeai dans l’antre des Lumières, celles qui inspirent encore tant les « réformistes ».
« La femme a tout contre elle, nos défauts, sa timidité, sa faiblesse. » J-J Rousseau
« L’amour a été inventé par les femmes pour permettre à ce sexe de dominer alors qu’il était fait pour obéir. » J-J Rousseau
Et pour connaître le but de cette course à l’égalité des chances :
« Un pays bien organisé est celui ou le petit nombre fait travailler le grand nombre, et nourri par lui, le gouverne. » Voltaire
Je n’ai jamais pu me faire à l’idée qu’une société inspirée de tels personnages, ayant donné ses sources au communisme, au fascisme, au monde libéral des colonies, de l’apartheid, d’Hiroshima, de la guerre d’Algérie et plus récemment des guerres d’Irak, puisse m’inspirer positivement un jour dans ma conception de la femme, de la famille, de la vie.
– Eh, Elias, tu es encore dans tes pensées ?
– Oups! Ma femme m’avait rejoint dans le creux de la nuit.
– Non, juste une réflexion, et j’expliquai alors le sujet …
Dans la chambre ma femme regroupait alors vite la petite famille.
– Qu’est ce qui passe ? lui demandais-je le visage radieux.
– Ah, ce début a commencé il y a longtemps et il est temps de continuer ! Fukuyama ment, tu sais, il ment ! Allez, avance toi et dirige la prière pour ta famille !
Je me plaçais devant, récitant la Fatiha, comme soutenu par un pilier venu du centre de la terre et des âges qui me poussait puissamment vers les cieux …