A Beaucet, dans le Vaucluse, quelques jours après les attentats de Charlie Hebdo était tué Mohamed El Makouli, musulman de 47 ans et père de famille, par son voisin islamophobe. Un an après, le meurtrier n’est toujours pas en prison car jugé « irresponsable de ses actes ».
L’islamophobie tue… L’enfant de Mohamed El Makouli le saura toute sa vie car elle l’a privé d’un père. Idem pour sa femme qui avait accepté de raconter la nuit d’horreur qu’elle avait vécue. Cette nuit où elle a vu son mari se faire tuer sous ses yeux.
La situation des musulmans de France devient de plus en plus dramatique. L’islamophobie frappe tous les jours dans les médias comme dans la rue. Résultat, ce sont des millions de français de confession musulmane qui subissent les amalgames, les discriminations voire pour certain(e)s les agressions physiques.
Le Ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve s’était engagé à lutter contre l’islamophobie à plusieurs reprises notamment après la vague d’agressions post-attentats de Charlie Hebdo. Les résultats sont plus que décevants. L’islamophobie n’est toujours pas reconnue par la justice. Aucune loi n’a été votée pour sévir face aux actes haineux contre les musulmans alors que les chiffres sont en pleine explosion.
Au contraire, depuis 2014 de nombreuses mesures d’exceptions ont été mises en place afin de ficher les citoyens musulmans. Au boulot, à l’école, chez le médecin ou encore chez soi, le musulman est épié, ses moindres gestes évalués sur l’échelle de la « radicalité ».
La parole musulmane est toujours confisquée par les médias et les politiques qui préfèrent inviter Rachid Birbach, faux imam d’Auxerre, plutôt que des représentants dignes et reconnus par la communauté. Ainsi, il est impossible pour le français moyen de comprendre la situation dans laquelle se trouve une partie de ses concitoyens.
La représentativité musulmane au sein des partis politiques est presque nulle. Lorsqu’un « beur » est coopté à l’UMP comme au PS, son discours va toujours dans le sens inverse des revendications communautaires. Fadela Amara, Rachida Dati, Rama Yade ou encore Lydia Guirous… A contrario, lorsque des musulmans se prennent en main et créent l’Union des Démocrates Musulmans Français afin de pouvoir exister politiquement, les mêmes qui se plaisent d’un entre-soi blanc et bourgeois, crient au communautarisme. Encore une façon bien française de respecter de simples citoyens, militants politiques, qui aspirent juste à participer au débat dans un pays en pleine crise identitaire.
Depuis les attentats de Paris, le 13 novembre 2015, les libertés des citoyens musulmans ont encore régressé. 3300 foyers ont vu leur porte se faire exploser par des dizaines d’hommes cagoulés surarmés. Des centaines de personnes, militants associatifs, politiques ou imams ont été assignés à résidence souvent sous des prétextes qu’un juge en temps normal n’aurait jamais accepté. Après deux mois de perquisitions administratives, les résultats sont ahurissants : seulement 4 procédures pour terrorisme ont été enclenchées !
Les deux mois d’état d’urgence ont surtout permis de mettre en valeur le peu de respect de la dignité humaine chez nos gouvernants. Afin de rassurer sur les multiples échecs des services de renseignement, c’est toute une communauté qu’on met sur le banc des accusés tout en martelant hypocritement d’éviter les amalgames. Si les discours d’Aymeric Chauprade et de Christian Estrosi avaient besoin de preuves factuelles, les 3000 perquisitions illustreront à merveille ce discours politique de rejet.
A l’heure du bilan, on peut se questionner sur la place de l’Islam et sa visibilité dans l’espace public français, sur le rôle du parti socialiste dans la montée fulgurante du Front National et de la haine en générale. Le débat actuel autour de la déchéance de la nationalité pour les binationaux réveillent les plus vieux fantasmes de l’extrême droite. Droit du sol ou droit du sang ? Droit de retirer la nationalité à un musulman trop visible, trop « radical » selon l’échelle du gouvernement Valls ?
Des questions qu’on n’aurait jamais imaginées il y a quelques années et qui désormais apparaissent comme légitimes dans une société à la dérive. Des dérives à l’image de cet état d’urgence qui n’a fait que renforcer nos convictions sur la nécessité de s’activer politiquement pour lutter contre les prémisses d’une ségrégation à l’encontre de la minorité musulmane.