Un nouveau récit du carnet de bord du Dr Zouhair Lahna toujours présent actuellement à l’hôpital Shifa de Gaza pour soutenir l’équipe médicale palestinienne.
« Les palestiniens de Gaza sont invités à développer toute une philosophie de la patience. Nés dans une bande encerclée, pour la plupart venus d’ailleurs, d’une ville, d’un village ou d’une bourgade qui ont disparu mais dont le nom reste incrusté dans une mémoire collective vive et vivace, gardant jalousement les clefs de portes qui n’existent plus. Les clefs restent le témoin d’une volonté de ne pas oublier et de retourner un jour ou l’autre, d’une génération à l’autre.
Les palestiniens grandissent dans un état d’une colonisation particulière, entre partis politiques, franges de résistance, un état ou autorité virtuelle et d’un ennemi usurpateur et meurtrier bien réel.
La foi et l’esprit de résistance ont permis à la plupart d’entre eux et à différents degrés de relativiser et de tenir le coup face à des privations successives, des destructions et agressions et des pertes en vies humaines. Ils leur ont permis aussi de vaincre une certaine phobie de la fin et invitent les uns et les autres à continuer à vivre malgré tout.
Au détour d’une discussion au seuil des urgences, suite au vécu quotidien et à la vue des morts, des blessés plus ou moins graves, d’handicapés et de toutes sortes de pertes, des membres des familles ou de membres tout court. Les douleurs des familles, leur anxiété, leurs larmes et parfois des cris. Alors on a entrepris de m’expliquer comment les uns et les autres patientent, quelque que soit les pertes et les douleurs infligées.
Il existe en effet trois formes de patience :
– la patience sur la foi en Dieu, c’est la patience du premier degré qui permet à tout un chacun d’accepter son destin et de trouver en lui-même la force de contenir sa colère, de se remettre à son Seigneur, usant dans sa croyance dans l’au-delà, du Paradis promis pour les martyrs et la récompense à ceux qui se remettent à Allah lors des bonnes comme aux mauvaises nouvelles,
– la patience pour Dieu, est un degré supérieur qui permet à chacun de tourner autour de la volonté divine et de se sentir petit par rapport à ce que Dieu souhaite pour lui, dans ces conditions, la patience face aux destructions, aux manques et de perte d’individus est facilement acceptée.
– la patience en compagnie de Dieu, c’est le degré supérieur de se mettre là où on pense que Dieu a souhaité te mettre, comme faire la résistance.
Bien évidement ces stades de patience et leur compréhension ne sont pas acceptables pour ceux qui pensent que la religion n’est qu’un opium des peuples, ou encore pour ceux qui pensent que les résistants ne sont que des terroristes
La patience est l’arme secrète ou avérée des palestiniens, obligés de vivre une révolte continue et soutenue qui les empêche d’accepter l’usurpation de leurs terres et de leur liberté. Même s’ils ont été mis devant un fait accompli concocté par les puissances d’hier et d’aujourd’hui et la volte-face des « frères » arabes….
A propos de Zouhair Lahna :
Dr Zouhair Lahna, est chirurgien obstétricien franco-marocain et acteur associatif. Ancien Chef de clinique des Universités de Paris VII et membre de Médecins Sans Frontières. Il a participé à plusieurs opérations humanitaires à travers le monde : Afghanistan en 2001, Congo 2004, Jénine en 2006 et les guerres sur Gaza en 2009 et celle en cours.