Beyrouth a été secoué aujourd’hui par une grosse explosion tout près des bureaux du Premier Ministre du pays.
Cinq personnes ont trouvé la mort dans cet attentat dont Mohammed Chatah, ex-ministre libanais proche du clan Hariri hostile au hezbollat et à la Syrie de Bachar.
La voiture piégée a fauché le représentant du clan Hariri à Washington alors qu’il se rendait précisément chez son leader.
Evidemment tout le monde pense à un coup du hezbollat et des services irano-syriens. Il s’agirait pour les chiites libanais de détruire toute opposition possible à leur mainmise militaire sur le pays. Mainmise qui s’accentuera bientôt par une tentative de rapprochement avec l’enclave nussayrite syrienne qui émergera sans doute des accords de Genève 2.
Cet attentat semble également être la réponse chiite à l’attentat qui a visé l’ambassade iranienne il y a quelques semaines. N’oublions pas que le clan Hariri est soutenu de tout son poids par une Arabie Saoudite qui envisage mal de voir tous ses pays voisins passer sous le giron chiito-iranien.
Le Liban risque fortement de suivre le même exemple que la Syrie en devenant le terrain de guerre des puissances régionales voisines. Une guerre ethno-confessionnelle semble de plus en plus probable. Le soucis pour le clan sunnite reste que, comme en Syrie les monarchies du Golf poussent au conflit mais, contrairement à l’Iran, ne fournissent aucun matériel sérieux capable de rendre les sunnites libanais incontournables dans la région. Les sunnites du fait de la faiblesse de leurs « sponsors » restent donc comme ceux-ci dépendants d’un hypothétique soutien occidental qui s’effiloche de plus en plus au fur et à mesure que l’Iran se rapproche de son nouvel ami … américain.
Ce futur possible nous oblige à considérer le rôle probable des services israéliens dans ce conflit … En effet, l’israel a toujours prôné une politique de morcellement ethnoconfessionnel pour ses voisins arabes afin de rendre la « menace » arabe moins importante. L’Arabie Saoudite qui depuis le revirement américain pro-iranien avait choisi de se rapprocher du savoir faire terroriste des israéliens risque encore d’être déçue par ce nouvel allié. Ceux-ci n’ont en effet aucun intérêt dans une politique de stabilisation quelconque d’un pays voisin. L’exemple irakien est parlant puisque le Shin Beth a mené dès le début de la colonisation américaine de l’Irak une campagne d’assassinats des leaders et scientifiques du pays, accompagnée d’un soutien à la partie kurde et d’une infiltration des groupes autochtones de résistance. Des coups tordus d’israel ne manqueront donc pas d’émailler cette nouvelle guerre…
Dans ce grand jeu où l’Iran semble toujours faire tomber les cartes à point nommé en redoublant d’efficacité et d’audace, le clan sunnite lui reste timide voire attentiste. Comme l’a judicieusement rappelé un commandant des forces insurgées sunnites de Syrie, l’Arabie Saoudite ne semble toujours pas comprendre qu’ils sont les prochains sur la liste … En effet, cette politique de morcellement des Etats arabes du Moyen Orient n’a pu être initiée que du fait du soutien saoudien et iranien à la guerre américaine contre l’Irak. Plus encore, en attendant le feu vert des occidentaux pour la Syrie en s’empêtrant dans sa guéguerre contre le Qatar, l’Arabie permet comme en Irak la victoire à terme du clan irano-chiite. Et cela en Syrie comme au Liban.
Très discrètement d’ailleurs on nous annonce qu’un plan « Onusien » est en marche au Yémen en vue de remodeler le pays en fédération d’états … Les zaydites soutenus par l’Iran obtiendraient donc de facto le contrôle de tout un pan du pays sans que les saoudiens ne réagissent.
Cette inertie des monarchies sunnites du golf et de leur allié égyptien démontre leur incompétence à évaluer la géopolitique de la région en continuant à penser que leurs « aides » financières à quelques élites et banques occidentales les protègeront éternellement. A n’en point douter si ce mouvement continue c’est bien les minorités chiites du golf et chrétiennes d’Egypte qui obtiendront leurs autonomies de fait avec le soutien de l’Occident et de l’Iran. L’Arabie Saoudite en tant qu’Etat aura alors vécu.
Un revirement pro-russochinois reste pourtant possible et viable. Il permettrait d’endiguer cette politique du morcellement américain et d’initier une nouvelle stratégie ambitieuse de soutien à tous les fractions sunnites antioccidentales en Irak, Afghanistan, Syrie mais également dans tous les pays sunnites en proie à une contestation des pouvoirs pro-occidentaux. Mais pour cela les dirigeants arabes devraient accepter de vivre sous la menace pendant au moins 20 ans avant de sortir grands vainqueurs du nouvel échiquier mondial dans lequel la Chine menacée dans ses approvisionnements se verrait obligée de les soutenir malgré elle …
Mais le courage et la vue à long terme manquent. La stratégie du chaos américaine peut donc continuer avec l’appui des chiites pendant quelques années encore. L’Occident pourra, ensuite, se retourner vers l’Iran et appuyer les revendications « sunnites » du Baloutchistan irano-pakistanais … mais c’est un autre sujet.