La Chronique Juridique I&I met le focus sur une institution juridique qui joue un certain rôle en matière de garantie des libertés et droits du citoyen européen, la Cour Européenne des droits de l’Homme.
A quoi sert elle? Cette cour a été établie afin de veiller à la bonne mise en oeuvre de la Convention Européenne des droits de l’homme sur le territoire des 47 états européens. Ce texte consacre nombre de libertés telles que l’association, l’expression et, ce qui nous intéresse ici, la religion.
Ce que dit la loi :
L’article 9 de la convention européenne des droits de l’homme dispose :
- Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.
- 2 La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
La Convention européenne des droits de l’homme a été adoptée en 1950. Ce texte permet d’harmoniser les libertés et droits de l’homme et nécessite donc un contrôle qui sera effectué par la Cour Européenne des droits de l’homme. De facto, on ne peut présenter son cas que si l’on a déjà épuisé tous ses recours devant les tribunaux nationaux. Il existe néanmoins de très rares cas ou un passage direct devant la CEDH peut avoir lieu. La CEDH constitue pour beaucoup de plaignants l’ultime et dernier recours. Celui-ci peut être déposé 3 mois après les évènements.
Les actualités nous montrent que cet article 9 est bien souvent mis à mal dans certains pays et dans le palmarès des mauvais élèves on retrouve la France et la Turquie notamment.
En fouillant au sein de la jurisprudence de la CEDH on découvrira plusieurs affaires posant bien souvent des questions très intéressantes. Parmi elles la question du prosélytisme, l’éducation religieuse ou encore les signes religieux au travail.
Cet article qui se veut concis ne pourra vous énumérer toute la jurisprudence émanant de la CEDH à ces sujets mais quelques affaires retentissantes méritent d’être citées notamment concernant l’éducation religieuse ou encore le port de signes religieux au travail.
L’arrêt Folgero contre Norvège fait ressortir le principe de neutralité de l’Etat en tant qu’instructeur. En l’espèce des enfants étaient contraints de suivre des cours de religion orientés vers le protestantisme. Le programme a été jugé contraire aux principes de l’article 9 car une pratique de la religion y était imposée. Ainsi une dispense au cours fut possible. Ce qu’il faut retenir c’est cette condamnation de la Norvège pour ce cours portant atteinte aux convictions religieuses des enfants et des parents.
En Turquie on retrouve le même esprit dans l’arrêt Zengin contre Turquie, une possibilité d’obtenir une dérogation pour ne pas participer à des cours de religions autre que sa propre confession, il en sera donc ainsi pour les Alévis, les juifs et les chrétiens contraints à suivre des cours d’islam sunnite.
Concernant le port de signes religieux au travail, le célèbre arrêt Eweida met un point d’honneur à différencier le statut privé du statut public d’une entreprise. Madame Eweida employée à la British Airlines a été changée de poste puis licenciée pour avoir porté une croix dans cette entreprise imposant le port d’une tenue stricte. Le motif de l’image de l’entreprise aurait été invoqué. Le licenciement a été jugé abusif par la CEDH qui estime que s’agissant d’une entreprise privée, le respect de la liberté religieuse devait être de mise et donc que le fait de porter une croix ne portait pas atteinte à l’image de l’entreprise.
La question qui ne peut s’empêcher de survenir au vu de cet arrêt faisant jurisprudence est de savoir s’il en aurait été de même pour une femme arborant un voile musulman …
A ce propos, l’affaire SAS contre France est en cours d’instruction. Il s’agit d’une affaire opposant une femme portant le voile intégral et la France et qui dénonce la loi de 2011 sur l’interdiction du voile intégral. C’est donc une affaire à suivre…
En somme, la CEDH est une instance où tout est possible mais les répercussions sur les Etats ne sont pas si profondes qu’ils puissent y paraître. La condamnation d’un Etat se traduit par le versement de dommages et intérêts pour le préjudice subi ainsi qu’une révision des textes de lois posant problème mais il n’est pas rare de voir que cela n’est pas réellement effectué. Dans tous les cas il y a un seuil minimum pour la liberté de religion qui est à respecter pour chaque Etat, néanmoins, l’histoire et la culture du pays sont à prendre en considération et c’est ce qui pose bien souvent problème…
In fine, n’hésitez pas à consulter le site de la CEDH, certaines questions traitées par la cour et les réponses qui y sont données peuvent toujours être utiles.
Melissa Ramsamy