Il n’est pas question ici de revenir sur le caractère injuste et discriminatoire de la loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, mais plutôt de se focaliser sur ses conséquences et son application effective afin de questionner sa réelle efficacité et utilité.
En première instance, tout un chacun doit bien se rendre compte de la portée de cette loi qui a été votée pour une infime minorité de la population française.
La question de son utilité et de sa nécessité avait déjà été avancée lors des débats organisés avant ce changement législatif. Il est d’autant plus pertinent à l’heure actuelle quand lors des échauffourées de Trappes, un jeune adolescent a perdu son oeil.
Les violences à Trappes à la suite d’un contrôle d’identité d’une jeune femme portant le voile intégral au cours duquel les forces de l’ordre ont abusé des pouvoirs qui leur sont conférés interrogent le bien fondé de la loi et sa motivation à un vivre ensemble dans des conditions sereines.
Aussi, il n’y a pas de hasard quand les violences ont éclatées dans les Yvelines alors que les contrôles sont les plus nombreux dans ce département.
M’hammed Henniche, secrétaire général de l’Union des associations musulmanes de Seine-Saint-Denis (UAM93) proclame à juste titre:
« Dès le départ, on a constaté que cette loi était mal préparée et qu’elle ne correspondait pas à la réalité parce qu’elle s’adressait à un phénomène marginal ».
Au contraire, la majorité des musulmans non concernée par ce voile se sent d’autant plus mise au ban de la société et pointée du doigt comme étant LE problème français. Elle serait une masse insoluble dans le champ hexagonal.
Il en ressort que c’est l’Etat français lui-même qui pousse à la différenciation et à la prise de position communautaire.
Les lois récentes visant les femmes musulmanes, que ce soit au sujet du voile intégral ou du voile en entreprise ou des nounous, engendrent un processus de mise à distance de cette population par rapport à la population française en général.
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Bien que certains naïvement ou de manière assez hypocrite nient le caractère religieux de telles mesures, le voile n’étant pas cité directement dans le texte de loi, à l’instar de M. Crépin, responsable communication de l’UNSA-Police, celui-ci ne peut qu’être évident au vu des motivations prônées par le gouvernement et les innombrables exceptions à la loi sur le niqab qui ne laissent en finalité que l’accent sur les femmes musulmanes.
Quoiqu’il en soit, la mission parlementaire de 2009 dirigée par André Gérin avait pour but de traiter la problématique du voile intégral en France.
Les conséquences de la loi sont en finalité plus négatives que bénéfiques et ce, de manière purement objective.
En dehors de cet effet néfaste pour la communauté musulmane dans son ensemble, l’application en elle-même pose problème et soulève des interrogations.
M. Crépin, avec plus de sincérité cette fois, avoue:
« Comme on l’avait prédit, son application est un peu difficile ».
« Je ne vous cache pas que parfois, certains collègues évitent de l’appliquer ».
M. Henniche trouve tout de même un aspect positif dans cette application car cette dernière prévoyait également une peine de prison et une lourde amende dans le cas où un homme forcerait une femme dans cette voie, or, à ce jour aucun cas de ce type n’a été dénoncé, remettant en cause les idées reçues de nombreux français.
De plus, n’en déplaise à M. André Gérin, mais aucune baisse du port de ce vêtement n’est constatée. D’après nombres d’enquêtes sociologiques, le nombre serait plutôt en hausse.
Malgré tout, le voile n’est qu’un sujet parmi les diverses problématiques liées à l’islam en France.
Le problème central reste la visibilité de cette religion dans un espace qui se dit étranger à de tels comportements tout en prônant un vivre ensemble et le respect des autres dans leur diversité dans tous les textes dédiés aux droits de l’Homme et autres.
Au demeurant, M. Henniche résume bien la question dans son intervention au journal Le Monde:
« On respecte l’islam à la condition qu’il soit invisible, ce n’est pas ça la tolérance. La tolérance c’est accepter l’expression de la différence des autres ».
Oum Leyna
Sociologue en genre et religion